Alekseï & Velliza

MAFIA, DOLLS AND STUFF

Perdue entre jour et nuit, je ne sais que faire ni où aller.
Je ne peux haïr cette lumière qui décline, ni même cette obscurité qui peine à arriver. Alors, faute de savoir qui blamer, je me concentre sur cette neige qui ne cesse de tomber. Mes pieds nus s'enfoncent dans ce sol immaculé, et je ne peux que rire de ces instants colorés. La vie peut être belle, perdue dans ces quelques instants éphémères.

La brise glacée électrise mon corps et me donne l'impression de flancher. Ravivée, mais morte à la fois, le triste constat. Un jour, je me briserai en milles éclats de verres, annihilée par ce vent glacée. Cette mort serait douce, enfantine, imparfaite et merveilleuse à la fois.

Je surprends mon ombre sur le mur, tout à côté, et tente de la chasser d'un coup de pied enneigé. Mais rien n'y fait. Alors, dans une ultime tentative teinté de désespoir et de fatalité, je tente de la semer. Je cours à en pleurer, les pieds ensanglantés et le visage congelé, mais rien n'y fait, je n'arrive pas me soustraite à son emprise. J'aimerais être Peter Pan, dans un pays imaginaire où elle vaquerait à sa guide, sans cette traque incessante à laquelle je ne peux me soustraire ni m'échapper. Un jour, je le promets, j'arriverai à la découdre de mes pieds.

Je m'arrête pou mieux respirer, et jette autour de moi un regard effrayé. La ruelle sombre où mes pas m'ont entrainé ne m'inspire que crainte et danger. Alors je ferme les yeux un instant et prit tout les saints auquel me vouer, que personne ne viendra m'y trouver.

Mais déjà, une démarche fantasque claque sur le pavé et un monstrueux pantin désarticulé déchire l'obscurité.
La neige a emporté tout ces mots inventés, ainsi valsent mes espoirs éreintés. Dites au revoir à la jolie poupée.

« Qu'est ce que tu fous là ? » beugle le colosse aux pieds d'argile. Il tangue, flanche, et son souffle erratique me percute de plein fouet, abimant ma peau, qu'il semble incendier. Il entreprend une ronde infernal autour de mon corps statufié, qui, anesthésié par le timbre halluciné de ma propre voix intérieur, refuse de bouger. J'aimerais crier, mais les sons se meurent avant que je ne parvienne à les éjecter. La ronde touche à sa fin et il plante sous regard dans le mien, avant de jeter un « Suis-moi » dans l'air, broyant de sa poigne de fer mes os et ma raison dans le même temps.

Je n'ai ni voix, ni tête et mes yeux sont aveugles. Je cris en silence tout ces mots que je ne peux prononcer, sentant l'aliénation flirter avec mon esprit dérangé. Le géant desserre sa poigne de fer, et l'agitation environnent me semble tel que j'en tombe à la renverse.

« Ne me tuer pas, ne me tuez pas, ne me tuez pas » je murmure aux anges déchus de ce royaume maudit. Et, me perdant dans le regard azur de l'ombre menaçante qui semble régner en maitre en ces lieux, je murmure une dernière fois «  Ne me tuez pas. »

L'atmosphère était lourde. Elle lui pesait sur le cœur, le faisait suffoquer. Étouffante, oppressante. Il tira une bouffée de sa clope. Ça n'arrangeait en rien. Mais il s'en foutait, il s'y était presque habitué, au final. Des rires, de la jouissance, un monde de fou. La salle centrale était bondée, noir d'hommes en rut, à la recherche d'un plaisir quelconque parmi ces jeunes femmes qui se déhanchaient avec allégresse sur la scène. Alekseï, d'un simple regard, savait déjà laquelle allait passer à la trappe. Plus communément : laquelle allait se faire très vite virer. Une petite blonde, étudiante dans il ne savait plus trop quoi, qui avait pris des kilos depuis quelque temps. Il se devait de garder le commerce parfaitement équilibré, et le moindre détail comptait. Une prise de poids était inadmissible. Elles se devaient d'être minces voire maigres, parfois, pour une harmonie générale. Ah oui, la semaine prochaine, une autre allait sans doute devoir partir aussi. La grande brune élancée, à droite de la scène, avec un rouge à lèvre rouge vif, un peu trop accentué sans doute. Bref, elle venait d'avoir 27 ans... Trop vieille maintenant. Beaucoup trop vieille pour continuer. Passées 25 ans, il était rare qu'il les garde. Les hommes aimaient les jeunes femmes, celles encore avec une once de naïveté dans le regard, une certaine candeur. Et pour les remplacer... Oh de ce côté-là, il n'y avait pas de problème. Elles se ruaient à la grande porte en fer, généralement. Parce que c'était un job plutôt bien payé, et le seul qui ne fasse pas trop gaffe à l'âge.
En bref, c'était une soirée banale, comme une autre. Il venait simplement vérifier que tout allait pour le mieux dans le Golden Dolls, généreusement hérité de son cher père, aujourd'hui six pieds sous terre. Enfin, plutôt dans une salle d'autopsie. Il était en observation, soit-disant. Comme s'ils allaient découvrir une quelconque trace de ce cher Russian Roulette sur son corps.. Ou la moindre information... Et il s'en foutait pas mal, à vrai dire. Il n'avait aucun ressenti envers cette personne. De l'indifférence. Il se demandait tout de même comment il procédait, et quelles étaient ses motivations réelles. Parce qu'il était un personnage vraiment fascinant.

Il adressa quelques sourires accueillants, s'imprégnant de son rôle de parfait hôte. Quelle hypocrisie. Il en avait conscience, et la moitié de ses hommes, il les détestait... L'autre moitié, il ne la connaissait pas. Mais déjà le fait qu'ils fréquentent le Golden lui en disait long. C'était tous des hommes friqués, avec sans doute femme et enfants, le parfait petit tableau de famille. Pourtant, il y avait l'envers du décors. Évidemment, comme toujours. Il continua son chemin, distribua des sourires amicaux et puis se dirigea vers fond du bar, où se trouvait deux salles privées. Une ornée d'un beau billard et de fauteuils, celle qui recevait les personnages importants, et l'autre, au fond, une sorte de bureau trônait au milieu, un meuble et un grand fauteuil rouge, deux plus petits et une table basse. Tout cela très propre, comme si l'endroit sortait tout droit d'un magazine art&déco. Il s'installa à son bureau, genre homme d'affaire super pris. En fait, il avait un commentaire très important à faire pour ses cours, qu'il devait rendre le lendemain. A 2h du matin, il était peut-être temps qu'il s'y mette. Il étouffa un bâillement, pris un stylo et s'arrêta net. Un bruit. Et deux secondes après, la porte s'ouvrit sur un Peteir essoufflé, suivit d'un gaillard (dont il ne se souvenait jamais du nom) qui portait à bout de bras une jeune fille à l'air assommée. Alekseï montra du menton le canapé, signe qu'il pouvait déposer le corps là. Encore une conne anorexique? Il se leva et se dirigea vers le corps endormi. Putain. C'était quoi ce truc encore. Comme s'il n'avait pas déjà assez de problèmes. « Je l'ai trouvée dehors. Je crois qu'elle vient postuler. » Crut bon de souligner le bienfaiteur. Alekseï avait juste envie de lui enfoncer sa tête dans la cuvette des chiottes. Mais non, il garda sa placidité habituelle, et se força à sourire. Il se pencha vers la jeune femme comme endormie. Cendrillon version je-veux-finir-comme-une-pute. Peiter venait de déposer une carafe d'eau sur la petite table, et un verre dans lequel il versa le liquide pur. Bon, il serait temps que cendrillon se réveille, maintenant... il avait d'autre chats à fouetter lui.

Alekseï & Velliza

MAFIA, DOLLS AND STUFF

Ma conscience n'est plus, et mon esprit tourmenté perd pied face à ces ténèbres auxquels je ne peux me soustraire. Je ne sais pas, plus, si revenir à la lumière vaut mieux que de sombrer dans l'oubli pour l'éternité. Les bruits qui font vibrer le noir qui m'oppresse me troublent et m'effraient. Tout se meure, se chevauche, sans plus de frontière. Le réel devient cauchemar et le cauchemar, réalité.

Le néant et son orchestre susurrent à mon âme égaré que la sentence est tombée : condamnée. Condamnée à finir perdue dans les ténèbres pour l'éternité. Condamnée à ne jamais oublier que les poupées de verres meurent sans se consumer, et que jamais, je ne pourrais brûler.
J'aimerais mourir, maintenant et à jamais. Dormir et ne plus jamais me réveiller. Rêver à jamais d'un univers fluctuant au gré du vent, vivre éternellement dans un monde né d'une chimère onirique dans laquelle rien ni personne ne peut me blesser.

Je garde mes yeux parfaitement fermés, terrorisée à l'idée de voir l'enfer dans lequel je suis plongée. J'inspire difficilement, et ouvre mes paupières sur le visage d'un homme, bien trop prêt du mien pour ne pas me faire paniquer. Je me redresse d'un bond, et tente de me soustraire à l'emprise de son regard. Je fuis ses yeux, regarder autour de moi. La pièce parait parfaitement propre et ordonné. Mais tout y est trop sombre, trop vif. Blessant. Tel un hybride mélange de pureté et de douceur, de noirceur et de froideur. J'ai peur à en crever, tant cet endroit m'est étranger. Idéalement, je me voudrais capable de fuir, mais mes jambes ankylosées refusent de répondre à mes attentes.

Mes yeux vrillent ceux de cet homme immense et imposant, qui, vraisemblable, m'a amener ici. Celui là même qui m'a forcé à pénétrer dans ce lieu maudit, et m'a fait sombrer dans la nuit. Je tremble, et l'envie de hurler me prit. Mais rien, mon cri ne parvient à écorcher la froideur de mes veines à présent glacées d'angoisse.

« Qu'est ce que je...? Je... Je ne veux pas... Je... » Mes mots me brûlent, se bousculent, sans sens ni cohérence. Dans un geste protecteur, je ramène mes jambes contre moi, et tente de reprendre le contrôle de ma voix. L'air semble se raréfié autour de moi, et mes poumons, mis à mal, me donnent l'impression de suffoquer. Mes yeux courent d'un homme à l'autre, pour revenir sur le visage qui a accompagné mon réveil.

Je le fixe avec insistance, avec cette impression étrange que ce monde est le sien, et que lui seul décidera de mon destin. Je me sens frêle, pale et sans défense ; si fragile que je me sens flancher, tant le ridicule de la situation me tétanise. J'attends un mot, un geste, un ordre – que sais-je. Quelque chose qui scelle mon sort, me dise ce qu'il adviendra de moi ou quoi faire. Mais rien. Ils me fixent, sans pudeur ni gène. J'espère, fantasme, prit toutes les austères divinités auxquels me raccrocher, pour sortir indemne de ces lieux au levée du jour. Que meure la nuit, par pitié.

«  Ne me faite pas de mal. » Je chuchote d'une voix éteinte, les yeux brouillés par ces larmes que je ne peux contrôler. « Pitié, qui que vous soyez... »

Le calme. Le regard toujours rivé sur la jeune endormie, il ne se laissait pas de ses traits fins, malgré sa pâleur extrême, et sa maigreur abusée. C'était là le fardeau de la plupart des jeunes femmes des temps modernes. Le besoin de se sentir bien dans un corps sans formes... Pathétique. Mais enfin ses paupières se soulèvent, son regard s'agite, la peur se lisait sur son visage. Pauvre petite chose. Il ressentait... de la pitié- comme toujours avec ce genre de personnes. Il recula, la fixant toujours. Apparemment, ses hommes lui faisaient un certain effet. Il en aurait ri, si la situation avait été moins sérieuse. Mais cela aurait été déplacé, non? Après tout, il avait un minimum d'éducation.
Il soupira à ses paroles proférées. Il en avait tellement l'habitude. Vu l'horreur qu'il suscitait chez ses captifs, cela ne l'étonna guerre venant de cette fille. Avait-il tant l'air d'un tortionnaire? Hm, c'était ennuyeux. Les traits de son visage se détendirent, laissant paraître un fin sourire. Il voulait simplement la mettre à l'aise, il se voulait rassurant. C'était une chose avec laquelle il était doué. D'un mouvement de tête léger vers la porte, ses deux hommes sortirent rapidement, refermant la porte doucement, presque avec une certaine douceur. L'atmosphère avait déjà pas mal perdue de son côté terrifiant. Il attrapa le verre d'eau qu'il lui tendit : « Ne t'inquiète pas, personne ne va te faire de mal. » Lui laissant le verre, il se releva, se dirigeant vers son bureau, tout en continuant : « Cela ne me regarde pas, cependant, je suis curieux de savoir ce qu'une jeune fille comme toi faisait dans une ruelle sombre en pleine nuit. » C'était plus qu'une question, bien évidemment, et le ton utilisé, bien que calme et se voulant chaleureux, préconisait une réponse juste et claire. Il détestait poser des questions, mais savait exiger des réponses d'une façon détourner. Auquel cas...
Il ouvrit un tiroir dont il sortit ses cigarettes, les balkan star classiques, ainsi qu'un briquet en argent appartenant à son défunt père. Tirer une bouffée de sa cigarette lui fit un bien fou. « Je suppose que tu n'es pas là pour devenir une putain? » Bah oui, il n'était pas du genre à employer des mots fins ou faire le tour de la question. Pour lui, plus vite les choses étaient clairement dites, mieux elles seraient traitées. Il avait appris depuis longtemps à n'être en aucun cas embarrassé par des situations ambigües ou difficiles. C'était après tout courant dans son « métier », non? Il se devait d'outrepasser cet embarras. Il laissa échapper un nuage de fumée à travers ses lèvres et s'installa sur le canapé à côté de la petite blonde, à la peau très blanche, presque translucide. Comme c'était étrange. Il laissa ses questions affluer, avant de les stopper. Il ne voulait pas la traumatiser, elle semblait déjà assez... mal à l'aise? Complètement à côté de la plaque? En plein cauchemar? Pourtant il n'y avait pas de quoi avoir peur. Il ressemblait plus au prince qu'à la bête, non? Un sourire se dessina sur ses lèvres. Il se pencha vers le cendrier posé sur la table basse, et regarda les cendres légères qui se détachaient du bout de sa cigarette, qu'il posa délicatement dans son cendrier avant de se caler contre le dossier. Ses yeux bleus fixaient un point qu'il était seul à voir, un univers étranger, différent. Il lui arrivait souvent d'avoir des absences, s'imaginant une vie différente l'espace de quelques secondes, avant d'être réveillée par une voix quelconque. Et là, c'était celle de la jeune poupée blonde.