La nuit, voile opaque et silencieux, régnait en maître sur les rues de St Petersbourg. La vie semblait en avoir quitté chaque recoin, ne laissant qu’obscurité et désolation sur son passage. Quelle heure était-il ? Zorän plongea sa main dans sa poche mais elle était vide. Il n’avait aucun moyen de savoir où son errance l’avait mené mais à en juger par la solitude qui envahissait l’avenue de part en part, la nuit devait être consumée depuis de longues heures déjà. Peu importe, il n’avait aucune limite. Même le temps ne l’arrêterait pas. Parce qu’il n’avait aucune envie de rentrer chez lui. Non, ses pas le menaient ailleurs, suivant un chemin familier. Ils le menaient vers Aleks. Il avait besoin de le voir, de lui parler. Et paradoxalement, il aurait voulu le fuir également. Mais il en était bien incapable, c’était presque risible, vraiment. Tout portait à croire qu’il irait le voir même si la culpabilité ne cessait de le ronger. Comment avait-il pu se montrer aussi stupide ? Bien sûr, la haine et le désir pouvaient aisément se mélanger, s’embraser… mais au point d’agir avec autant d’inconscience. A quoi pensait-il ? A vrai dire, il ne savait que trop bien à quoi il pensait et c’était bien ça qui le mettait hors de lui. Rien ne devait être plus important que la confiance d’Aleks, c’était tout ce qu’il lui restait après tout, alors pourquoi jouer avec de la sorte ? Cela n’avait pas le moindre intérêt, c’était même stupide à en pleurer. Il n’y avait pas d’autre mot. A présent, il était contraint de lui mentir et franchement, il n’y avait rien de pire que de devoir lui dissimuler quelque chose. Même si c’était pour le garder auprès de lui.

A travers la fumée de sa cigarette, il aperçut l’enseigne lumineuse du Dolls. Aleks s’y trouvait déjà, cela ne faisait aucun doute. Mais devait-il vraiment le rejoindre ? Combien de temps pourrait-il encore suivre cette voie, jouer ainsi avec le feu ? Un soupir s’échappa de ses lèvres alors qu’il tirait une nouvelle bouffée de sa cigarette, songeur. Il devenait vraiment la pourriture qu’il était censé être. Il suffisait de regarder son père. Combien de personnes avait-il trahit dans sa vie ? Il en était l’incarnation même, lui, le fils illégitime, le fruit d’un adultère. Jetant son mégot sur le macadam, il poussa la porte du club de strip-tease. Un lieu idéal pour une soirée comme celle-ci. Un lieu de luxure et d’oubli. L’atmosphère particulière qui y régnait, familière et légère, l’enveloppa doucement alors qu’il arpentait la salle qui semblait presque vide. Etonné, Zorän effectua un tour sur lui-même avant d’attraper le bras d’un employé. « Tu peux me dire qu'elle heure il est ? » Ce dernier posa sur lui un regard étrange, comme si il ne s’attendait pas à le voir débarquer. Visiblement pressé, il montra un signe d’impatience avant de daigner répondre. « L’heure de rentrer chez moi et de prendre un repos bien mérité, voilà l’heure qu’il est. » Secouant la tête, il s’éloigna en grommelant des paroles incompréhensibles. Décidément, les gens ne supportaient pas grand-chose à une heure aussi tardive. Cependant, ce n’était pas vraiment ce qui l’intéressait. Son regard cherchait déjà la silhouette de son meilleur ami, scannant la pièce avec une rapidité infaillible. Après tout, il aurait pu le repérer aisément quelque soit le lieu. D’ailleurs ce dernier venait de refaire surface, apparaissant dans son champ de vision pour sa plus grande satisfaction.

Sans un mot, il se faufila entre les fauteuils du club, les frôlant sur son passage, du bout des doigts. L’odeur du cuir semblait accompagner le moindre de ses mouvements tandis que son regard ne quittait plus sa cible, vérifiant ainsi qu’il n’avait pas détecté sa présence. Et, lorsqu’il ne fut qu’à quelques pas de lui, il se glissa derrière son dos, se fondant dans son ombre avant de murmurer. « Alors comment vont les affaires ? Il n’est pas un peu tard pour travailler ? » Un sourire amusé se peignait les lèvres de Zorän alors qu’il pivotait pour apparaître aux côtés d’Alekseï. Instinctivement son bras vint entourer les épaules de son cadet, se plongeant dans ses gestes familiers, il tentait de dissimuler le mal être qui venait lui brûler les entrailles, y gravant en lettres de feu : TRAÎTRE. Vile douleur qui ne voulait pas s’estomper, préférant le torturer lentement. Ignorant les appels de sa conscience, il jeta un coup d’œil en direction du bar. « Tu sais quoi, le petit chef devrait se reposer et boire un verre avec moi. » Sans plus attendre, il se dirigea vers le comptoir réservé aux clients. Parce que chacun sait que l’alcool se distille si bien dans le sang en ébullition devant les plaisirs de la chair. D’ailleurs, les pupilles de Zorän dérivèrent d’elles-mêmes vers les corps dénudés qui défilaient encore sur la scène, se déhanchant avec sensualité sur une musique sans fin. Une alchimie si parfaite… Un instant, elle le détourna de tout, lui faisant oublier pourquoi il avait déjà bien assez bu ce soir là et pourquoi il ne pouvait pas vraiment s’arrêter là. Il en avait besoin. Parce qu’enchaîner les cigarettes, se noyer dans leur fumé, ne suffisait plus à détourner ses pensées. Reportant son attention sur son meilleur ami, il l’observa un instant avant de tourner son regard vers le sol. Comment pouvait-il le regarder en face alors qu’il n’arrivait pas à lui avouer la vérité ?

Son corps s’inclina par-dessus le bar alors qu’il adressait un petit sourire au barman. Ce dernier n’était pas dupe, l’observant en coin, il semblait hésité sur la marche à suivre. Devait-il céder devant cet air enjôleur, sachant pertinemment quel énergumène se cachait derrière ? « Pourrais-tu me servir un petit verre ? J’ai besoin de me réchauffer un peu. » Jetant un coup d’œil par-dessus son épaule, il ajouta. « Prépares-en un pour M. Sadovski également. » Nonchalamment appuyé contre le rebord du bar, il laissait son regard courir sur les corps dénudés dont les formes semblaient presque irréelles dans cet univers clos. Chacun de leurs mouvements gracieux et provocateurs arrêtaient le temps, captivant tous les regards. Prisonnières dans ce monde, elles y évoluaient avec la prestance digne des plus belles nymphes, en parfaite harmonie avec leur élément. Hypnotisé par leur danse envoûtante, le spectateur était roi. Un privilégié au jardin d’Eden. Et ce fabuleux voyage avait un prix.
Dans la vie, tout a un prix. Et pour chaque erreur on se doit de payer le prix fort… Le regard de Zorän se posa douloureusement sur son meilleur ami. Un jour, il devrait assumer ses actes, assumer sa trahison. Un jour, oui. Mais il n’était pas encore prêt. Il espérait pouvoir trouver un moyen de ne pas perdre ce qui comptait le plus à ses yeux. Une utopie dont il ne pouvait se défaire, malgré lui.

Il avait passé une sale journée. Quelques rendez-vous entre dix heures et midi, un déjeuner en la très cher compagnie du remplaçant de son père et quelques autres hommes importants -dont la principale conversation était le dernier recrutement en matière des putes au Golden, mais cela n'était qu'un détail. Personne n'avait abordé le sujet sensible... Russian Roulette. Et Aleks en remercia intérieurement le parrain actuel. Ensuite l'après-midi à pioncer avant de faire un saut chez sa sœur jumelle, histoire de voir ce qu'elle devenait, depuis le temps. Et pour finir en beauté la soirée... le Dolls, évidemment.
Une nuit qui filait, encore. Il avait l'impression de passer sa vie entre ces murs. Le Golden Dolls. Un des lieux les plus selects de St-Pétersbourg, dont il était le gérant officieusement seulement. S'il y avait le moindre problème, c'est vers lui qu'on se tournait instantanément. Ce nouveau privilège l'avait quelque peu déstabilisé la première fois, mais depuis peu, il le prenait très au sérieux, il avait été entrainé toute son enfance et une partie de son adolescence à ça. Être prêt, sur ses gardes, constamment. Et le Golden se vidait, tout doucement. Il avait hâte de terminer cette nuit. Il voulait rejoindre son lit au plus vite, un lieu calme, un lieu où il pourrait enfin oublier le boulot et se concentrer sur autre chose... genre ses études, par exemple. Mais cela n'était qu'un détail, dans sa folle petite vie de mafieux. Ce n'était qu'un détail, oui, un tout petit, pourtant très important à ses yeux. Son père ne semblait pas l'avoir remarqué. Il était certain qu'au jour d'aujourd'hui, même dans sa tombe, il ne savait pas que son fils avait sauté une classe. Mais il était sans doute mieux là où il se trouvait. Ah ce qu'il aurait aimé être à la place de Russian Roulette. Juste pour voir la tête de son père. Lui, cet homme qui contrôlait tout St-Pétersbourg grâce à ses trafics en tout genre, se retrouvant face à un flingue pour s'auto-buter. Putain ce que ça aurait été drôle.

Bon, alors, c'est quand qu'il fermait? Les danseuses semblaient fatiguer à vu d'œil. Normal, se déhancher pendant deux heures pour des hommes d'affaires en ruts, c'était pas évident, et il compatissait à leur malheur. Un beau sourire enjôleur à certains hommes, se faire un maximum accueillant et sympathique. Pour les affaires. Avoir des relations, se montrer ouvert mais dur à la fois. C'était un rôle difficile à endosser. Devoir donner des ordres à des hommes ayant une dizaines d'années d'expériences de plus que lui. Mais c'était... délicieux. Étrange, certes, mais loin d'être désagréable. Il avait hérité le côté autoritaire et meneur de son père, il n'y avait nul doute à cela. Et dans certaines actions, il avait réellement l'impression de retrouver les gestes de son géniteur. Il frissonna de dégoût à cette pensée soudaine. Non, il n'était pas comme lui.
Une voix très familière le tira de ses pensées. Zorän. Un sourire sincère s'afficha sur son visage, quelque peu amusé. Finalement, son lit allait attendre encore un peu avant de le retrouver. Aha, il était un peu ce qu'on appelait un ami d'enfance, un frère, un meilleur ami... Un peu un tout dans une seule et même personne. C'était assez curieux de savoir qu'il lui accordait une totale confiance. Venant de lui, c'était assez rare.
Trop tard pour travailler? Il n'est jamais trop tard pour le boulot, voyons. Il se laissa faire, son regard toujours fixé sur la scène, l'esprit préoccupé par autre chose. Il l'écoutait, bien évidemment, mais la danseuse du la droite venait de faire un mauvais geste, et c'était impardonnable. Il nota dans un coin de sa tête quelle tête allait être virée le prochain soir.
« Tu as raison. » Oui après tout, un bon verre ne lui ferait pas de mal, bien au contraire, même s'il détestait franchement l'idée de ne pas avoir le contrôle sur lui-même. De temps en temps, avec une personne proche. Pourquoi pas. Il le suivit vers le bar et s'installa à côté de lui. Habillé comme il était personne ne penserait qu'il avait une certaine importance dans le lieu, et on pourrait le prendre aisément pour un client hagard. Il détestait se retrouver coincé dans un costard, même s'il s'estimait plutôt classe, voire même sexy (haha! Comme d'habitude quoi).

Son regard se posa sur son ami, dont les yeux étaient obnubilés par les danseuses apparemment. Il finit par soupirer, avant de sortir un briquet, ses clopes. Une entre les lèvres et l'alluma. Il se tourna vers le bar, laissant son briquet alluma, observant avec attention la flamme. Le feu pouvait tout détruire. C'était un élément dangereux, et très mystérieux. Il pouvait si facilement s'embraser, si facilement consumer. Quelques flammes suffiraient à mettre en cendre le Golden. Mais quelles en seraient les conséquences? Que deviendrait sa vie? Il aimait à imaginer sa vie autrement. Il était à un tournant de sa vie où il estimait chaque geste important et décisif de son avenir. S'il continuait comme ça, sans nul doute, il entrerait dans une certaine monotonie. Et putain ce qu'il détestait cette sensation. Il faisait toujours en sorte d'alimenter sa vie, par des coups d'un soir, des complications... Et puis merde. Peut-être que ça n'était pas fait pour lui, finalement. Malgré ce qu'en disaient tous les autres.
Il tira une bouffée de sa clope en attendant de quoi se délecter. Il avait soif tout à coup, et l'alcool ferait sans doute l'affaire pour une soirée, une seule. Pour les beaux yeux de Zorän, celui qui ne le trahirait jamais, hein? Celui en qui il avait confiance. Celui avec qui il faisait tout, ou presque. Mais surtout, celui qui se comportait bizarrement avec lui, dernièrement. Alekseï préféra ne pas relever la question. Ça ne le regardait peut-être pas, qui sait. Le moment venu, il lui en parlerait. Il savait être patient.
Il se tourna vers les danseuses... Les derniers clients étaient en train de se lever. Quelques cons par-ci par là, avec quelques grammes d'alcool en trop dans le sang. Et les belles créatures s'arrêtèrent de danser, pour la soirée, se tournant et sortant de la scène, si dirigeant vers les ''coulisses''. Il ne restait que quelques hommes, attendant patiemment de pouvoir retourner chez eux, retrouver pour certain la télévision et une bonne bière, pour d'autres leurs copines, femmes, enfants etc. Tout ce qu'il n'avait pas. « C'est bon, tu peux te barrer, je fermerais. » Lorsque le barman eut fini de poser les deux verres, il hocha de la tête et se dirigea vers la sortie, priant les autres hommes de sortir. Alekseï les regarda sortir, et le silence retomba, la musique pour seule compagne. Il se tourna vers Zorän : « Alors? Comment va la vie en dehors du Golden? » Cette impression de passer sa vie dans ce foutu club se resserrait.

Lorsque l’enfance nous étreint dans son doux voile d’innocence, tout semble si simple, si naturel. Zorän aurait aimé pouvoir retrouver cette tendre torpeur cette nuit là. Oublier qu’il n’était plus vraiment digne d’agir ainsi, s’insinuant dans la vie de son meilleur ami. Pas après ce qu’il avait pu faire ces derniers temps. Mais comment accepter cette évidence et agir en personne responsable alors qu’il risquait de le perdre, lui. Ou pire de perdre sa confiance. Cette même confiance qui faisait de lui quelqu’un de différent. Du moins aux yeux d’Alekseï, et c’était la seule chose qui comptait, non ? Il se maudissait de s’être fourvoyé au point de ne plus en être digne, lui qui s’était toujours fait un point d’honneur à être là pour son frère, son meilleur ami, pour celui qui prenait toutes ces facettes dans sa vie depuis tellement d’années. Que ferait-il de cette place vide dans son existence si Aleks venait à la déserter ? Car il était certain que son ami en était capable. Il était bien assez fort pour ça. Lui, par contre, en serait bien incapable. S’éloigner comme ça de celui qui avait toujours été essentiel à sa vie, était bien au-dessus de ses forces. Et il ne s’en cachait pas vraiment. A quoi bon ? Il n’avait que lui, comme unique famille et au fond, il n’avait pas besoin de davantage. Pas tant qu’il était là. Mais pour combien de temps encore ? Zorän était étonné qu’il ne lui ait pas déjà demandé ce qui clochait depuis tout ce temps. Parce qu’il savait qu’il n’était pas dupe et qu’il avait remarqué depuis bien longtemps que quelque chose n’allait pas. Il agissait étrangement depuis qu’il se sentait coupable de cette trahison, cela n’avait pu que sauter aux yeux de celui qui le connaissait si bien. Mais il n’avait pas pu faire autrement, le simple fait de le regarder dans les yeux, lui renvoyait toute sa culpabilité. Pourtant, il ne parvenait pas à tout lui avouer. Non, il avait définitivement bien trop à perdre. Et même si son silence ne faisait qu’aggraver les choses, aucun mot ne franchissait ses lèvres à ce sujet.

‘Tu n’es qu’un putain de lâche !’ Ce reproche silencieux résonnait souvent dans sa tête à présent, comme une vérité brûlante qui attisait sa honte. Il ne pouvait s’y soustraire. Oui, il n’était qu’un lâche, rien de plus, rien de moins. Et bien qu’il en ait conscience, noyant son regard dans la vision que lui offraient les danseuses du Golden Dolls, il ne cherchait pourtant pas à changer tout ça. Au fond, il ne voyait même pas les danseuses du club, bien que leurs corps soient attirants, il en avait vu des centaines en travaillant dans la mafia mais aussi en tant que photographe. Sans parler de ceux qui défilaient dans sa vie privée, mais ça c’était une autre histoire. C’était justement sa vie privée qui était à l’origine de ce regard perdu dans le vague. Et lorsque les danseuses quittèrent la scène tandis que les clients désertaient le Golden, il ne sortit pas tout de suite de ses pensées. Il avait encore besoin de s’y noyer, de se souvenir d’une époque où la compagnie d’Aleks n’éveillait pas tant de doutes, à une époque où il n’avait pas si peur de le perdre. Mais il méritait d’avoir perdu cette sérénité, et de se retrouver face à se dilemme qui l’empêchait de se comporter naturellement avec son meilleur ami. La voix de ce dernier finit par le tirer de ses pensées. « C'est bon, tu peux te barrer, je fermerais. » Alekseï venait de congédier le barman qui devait, comme tous les autres employés, être plutôt ravi de rentrer se reposer. Travailler dans un établissement comme celui-ci imposait des heures plutôt rudes mais chacun savait à quoi s’en tenir, il n’y avait aucune surprise. Après tout, lorsque l’on trempe dans les affaires de la mafia, on ne s’attend pas à un boulot de tout repos, Zorän en savait quelque chose, et bien qu’il y soit tomber dedans durant l’enfance, il ne s’en plaignait pas. Bien sûr, si cela avait seulement relevé de son choix personnel, il se serait largement contenté de son boulot de photographe mais au fond, son travail de l’ombre ne le dérangeait pas lorsqu’il lui permettait d’aider un peu Aleks dans ses affaires. Même si ce dernier ne s’en plaignait jamais, Zorän imaginait aisément que ce ne devait pas être facile tous les jours d’avoir le poids de telles responsabilités sur les épaules. Mais son meilleur ami avait le tempérament qu’il fallait pour les porter. Il avait ça dans les veines et pourtant, il l’avait toujours imaginé menant une autre vie. Une vie où ce dernier n’aurait suivi que sa propre voie.

Le regard de Zorän suivit le contour de son verre qu’il faisait tourner dans ses doigts. Essayait-il de rassembler son courage ou de se noyer dans la couleur ambrée du breuvage ? Il l’ignorait lui-même. En fait, il aurait aimé accéder à la douce béatitude de l’oubli. C’était sûrement pour ça qu’il avait déjà bien assez abusé de l’alcool pour ce soir. Cependant, il n’en avait pas assez abusé pour effacer ses problèmes et pour se contenter de rire avec son meilleur ami. Du moins, pas encore. Il pouvait encore s’y plonger à corps perdu. Mais cela valait-il vraiment le coup ? Rien n’était moins sûr. « Alors? Comment va la vie en dehors du Golden? » Sortant de ses pensées, il se tourna vers Aleks avec l’envie de le prendre dans ses bras et de s’excuser. Oui, de s’excuser d’être aussi con. Mais ce dernier aurait sûrement appelé un psychiatre, jugeant que son état avait soudainement empiré. Cette idée lui arracha un sourire, même si au fond, c’était plutôt pathétique à en pleurer. Il devait complètement dingue ma parole. Quand avait-il touché le fond ? Tout ça ne valait tout de même pas la peine d’en arriver là, si ? Pourquoi ce chantage lui faisait-il perdre la tête ? Il le savait mais ne pouvait même pas l’admettre… ‘En dehors du Golden ? Rien de bien passionnant si ce n’est que dans le feu d’une dispute, je me suis tapé ton ex, qui en plus d’être ton cousin, est une des personnes que tu dois le moins apprécier et encore j’ai le don des euphémismes. Ah oui, et depuis il se sert de cette information pour me faire chanter et remettre ça, où il veut, quand il veut... Mais le plus con, vraiment, c’est que bien que je le déteste parce qu’il se sert de moi comme ça, juste pour t’atteindre, je ne peux m’empêcher de le désirer et ça me détruit complètement…’ Bien sûr, il ne pouvait décemment pas lui avouer tout ça. Pas comme ça, pas maintenant. Mais il ne pouvait pas non plus le garder éternellement pour lui, parce que tout ça prenait déjà des proportions démesurées. Néanmoins, pour le moment, il restait lâche. « Malheureusement, la routine est aussi présente à l’extérieur de ces murs pour beaucoup de gens mais faut faire confiance à la vie pour la pimenter de ces évènements qui pourrissent toujours nos quotidiens quand on ne s’y attend pas. » Il sourit face aux images mentales que cette simple phrase amenait dans son esprit. Peut-être un effet de la fatigue ou bien de l’alcool. « Pour ma part, j’ai eu la superbe occasion de faire une séance photos à Moscou, dans une vieille maison bourgeoise avec des modèles en tenue d’époque, je t’assure, on s’y serait cru. D’ailleurs, on était peut-être un peu trop dans l’ambiance. » Se souvenant alors de la soirée qu’il avait passé ensuite avec un des modèles en question, il rit doucement. C’était un très bon souvenir, malgré la situation dans laquelle il se trouvait en ce moment, il parvenait tout de même à se changer les idées. Peut-être était-ce une preuve que son cas n’était pas totalement désespéré. « Mais bon, comme rien n’est parfait, après ça j’ai oublié de me réveiller et j’ai donc raté mon train. Tu vois, quand je te dis que le quotidien sait foutre en l’air la routine, c’est du vécu ! » Même son humour un peu douteux n’avait pas réussi à disparaître. Il restait donc un espoir, sa culpabilité ne l’avait pas totalement transformé.

Sans vraiment réfléchir, il porta le verre à ses lèvres pour le vider en une seule gorgée. Le liquide lui brûla agréablement la gorge, enivrant son esprit de ces sensations familières. Un vrai coup de fouet qui le poussa à sortir de sa torpeur et à attraper le bras de son meilleur ami, l’attirant vers la scène. « Allez, il est temps de se défouler un peu. » Libérant Aleks en douceur, il se dirigea à gauche de la scène, juste à côté du bar où se trouvait la sono et il sélectionna une musique vive et entraînante. Bercé par le rythme, il enchaîna quelques pas de danse avant de se glisser derrière le bar pour remplir son verre. Soulevant la bouteille, il posa un instant son regard brillant sur son meilleur ami avant de murmurer. « T’en veux un peu ? » Se perdre dans l’alcool, c’est un autre signe de lâcheté. Mais il en avait trop besoin. Pourquoi ne pas s’accorder encore un soir de répit ? De toute façon, tout ça finirait bien par le rattraper, tôt ou tard.


HS - Désolée pour le retard et pour ce RP tout pourri, plein de blabla °°