Depuis quelques jours, Sveta s’était confinée dans la résidence de son père, située en plein cœur du quartier résidentiel Grazhdanka, cette immense villa luxueuse qu’elle partageait depuis avec son frère jumeau. La vie était devenue morne et insipide depuis que Russian Roulette avait enlevé à Sveta celui qui était le pilier de sa vie, celui qui la reliait encore fébrilement à sa mère, ou tout du moins à l’image qu’elle s’en était forgée. Elle errait donc comme une âme en peine, sans but, sans envie, elle ne faisait rien à part flâner bien au chaud dans sa couette sentant sur sa peau l’air frais du printemps qui arrivait. Alekseï l’appelait parfois, s’assurant qu’elle n’ait pas fait de conneries mais à part lui, les rapports de Sveta avec le monde extérieur étaient quasi-inexistants.

Mais malgré cette mélancolie, c’est l’estomac de Sveta qui eut le dernier mot, la forçant à sortir pour sa ravitailler en nourriture. C’est pourquoi la jeune femme s’extirpa difficilement de son lit, arborant un visage marqué par les cernes et les larmes versées la nuit auparavant. Elle attrapa un jean, un vieux tee-shirt blanc sans même passer par la case douche. Elle arrangea ses cheveux et attrapa son perfecto avant de sortir par le garage. Après avoir traversé une partie du jardin, elle arriva au portail blanc, tapa le code de sécurité et sortit enfin de cette forteresse dorée. Sveta arpenta quelques minutes les rues du quartier, des rues propres où les gens se saluaient chaleureusement. Autant dire le contraire des ruelles sombres que Saint-Pétersbourg abritait également. Elle n’eut que quelques pas à faire pour atterrir dans la petite épicerie de quartier, un endroit chic vendant un tas de produits luxueux mais aussi la base de l’alimentation russe. A cette heure matinale, la queue n’était pas encore énorme ce qui arrangeait Sveta qui commanda quelques pâtisseries et un café bien chaud. Une fois son sac en papier prêt, elle paya laissant en prime un bon pourboire au jeune homme l’ayant servi et quitta le coffee shop rapidement.

Ayant finalement pris goût à cette balade matinale, Sveta choisit de faire un léger détour vers le jardin d’été, un endroit où s’entreposait quantités de souvenirs d’enfance, de jeux et d’aventures qu’elle et son frère s’inventait lors des rudes et longs hivers russes. A peine arrivée, elle entendit une voix masculine semblant en pleine conversation. Ne voulant voir personne, elle passa son chemin mais se retrouva finalement devant cet homme qui, seul, parlait à voix haute comme s’il était fou.

« Désolée, je ne voulais pas vous déranger mais … en fait … vous êtes seuls non ? »

Sveta n’attendait même pas de réponses en fait, elle s’apprêtait d’ailleurs à reprendre sa route sans rien dire de plus.