Extrait de « La plus grande expédition du vingt-troisième siècle »

Les Hommes chassés de Pandora, l'opinion publique se révolte

En 2160, lorsque l'expédition envoyée sur Pandora revint sur Terre chargée d'une lourde histoire, la RDA (Ressources Development Administration) qui avait le monopole du commerce avec Pandora perdait un marché particulièrement précieux et risquait la banque-route. Arguant des pertes pour la société humaine (plus d'unobtanium, plus de supraconductivité, régression scientifique), ils tentèrent de remettre sur pieds une expédition vengeresse. Mais, pour la première fois depuis des générations, la toute puissante RDA rencontra un obstacle : la population terrienne elle-même.

Parker Selfridge (administrateur général sur Pandora), marqué par les horreurs que les forces militaires avaient commises sur Pandora, livra son histoire au monde. Appuyé par les enregistrements quotidiens réalisés par Jake Sully et Grace Augustine au cours de leur découverte du peuple des Na'vis et de la biocénose de Pandora, il mit à nu tous les bienfaits qu'aurait pu apporté cette planète à la Terre mourante si les scientifiques avaient été écoutés. Il dévoila les abus de la RDA dans son exploitation du territoire. Tout, les terriens surent tout de ce qui leur était passé sous le nez, de ce que le Consortium leur avait caché, les rendant dépendants et muets de docilité.

Les petits groupes écolos de résistants à la politique de la RDA donnèrent le signal. La population suivit, se déversant dans les rues goudronnées et bordées d'ordures et de panneaux publicitaires lumineux. En masse les terriens dénoncèrent cette situation qui avait trop duré. Lorsque la seule réponse de la RDA fut la répression violente, les gouvernements réagirent enfin. Longs furent les débats qui éclatèrent à ce sujet, pointant du doigt la RDA pour sa gestion de Pandora, pour ses abus de confiance envers le peuple terrien. A la fin d'un procès qui dura cinq ans, l'organisation fut jugée coupable de génocide et de crime contre l'humanité, mettant derrière les barreaux une dizaine de hauts responsables, et condamnant la RDA à payer plusieurs milliards. Poussée par l'opinion publique, l'ONU interdit dès lors toute expédition vers Pandora. Nombreuses furent les tentatives des corporations pour briser cet embargo, notamment lors du crash économique dû à la disparition de l'unobtanium. Mais cet épisode laissa une empreinte tout aussi durable qu'une Guerre Mondiale dans l'esprit de la population, exaltée par des discours humanistes, marquée par des décennies de vie insalubre et soumise.

Mais le temps n'améliore pas toujours les choses

Les années passèrent, et la Terre elle-même sembla vouloir punir les Hommes de leurs folies. Les catastrophes naturelles s'enchainèrent : en 2202, on se souviendra du raz-de-marée qui engloutit définitivement un tiers des Pays-Bas et une partie remarquable des côtes européennes occidentales ; de la pandémie d'hydroline (forme aggravée et mutée de la cécité du fleuve) qui suivit durant l'hiver 2203/2204, débutant dans les zones sinistrées européennes avant de faire trois millions de victimes dans le monde entier, notamment dans les régions humides ; tandis qu'en Afrique et en Amérique du Nord, une sécheresse sans fin sévit pendant toutes les années 2210 ; sans oublier non plus les nombreux séismes qui frappèrent l'Asie et l'Amérique centrale entre 2229 et 2234... Longue est la liste, et nul ne fut épargné. On estime aujourd'hui à un milliard le nombre de victimes de ces évènements durant la première moitié du 23e siècle.

Une terre révoltée, un air pollué, une vie citadine exécrable, une nourriture synthétique, une hygiène difficile à cause de pénuries d'eau... C'était le lot de la population terrienne. Une population amoindrie à cinq milliards. Mais, comme si la Terre était finalement décidée à se débarrasser de ses enfants, la NASA annonça en 2244 une nouvelle retentissante. La comète de Halley, passant tous les 76 ans près de la Terre dans son voyage autour du Soleil, avait légèrement été déviée de son orbite par une collision avec un satellite terrien abandonné... La prochaine fois qu'elle passerait près de la Terre, en 2290, ce serait probablement de bien trop près.

Tandis que les scientifiques effectuaient les calculs les plus poussés pour évaluer les conséquences de ce passage rapproché, les esprits s'agitaient. On avait essayé de minimiser l'affaire auprès du public, mais des émeutes eurent lieu de ci de là, les gens paniquaient à l'idée de la fin du monde. Des illuminés annonçaient l'apocalypse... Il fallait réagir. C'est pourquoi, en 2245, l'ONU vota un projet fou : une expédition sur Pandora. Pandora, terre sacrée pour l'imaginaire terrien, devenait la seule terre d'asile possible si jamais le pire venait à se produire. Mais bien entendu, il était impensable de coloniser Pandora sans aucun respect pour ses indigènes. L'humanité était fatiguée de la guerre, elle ne souhaitait que vivre en paix, et avoir la chance de réparer ses erreurs. C'est pourquoi l'expédition initiale n'avait qu'un seul but : renouer avec le peuple Na'vi, établir des relations amicales, afin de peut-être sauver une faible part de l'humanité.

Rencontre avec les Na'vis

Cela faisait deux jours qu'ils arpentaient les forêts de Pandora aux environs de ce qu'ils savaient être le territoire des Omaticaya. Ils se promenaient, admirant la faune et la flore environnante et se familiarisaient avec le milieu. Ils espéraient que les Na'vis viendraient à eux... pour leur parler, avant de leur avoir tiré dessus de préférence. Ils étaient trois des plus expérimentés utilisateurs d'un Avatar. Un hélicoptère les avait déposés et les reprendrait plus tard pour les ramener à la base, mais en attendant ils n'étaient en contact avec eux que grâce à leurs oreillettes et micros.
Ils entrèrent dans une large clairière. Baignée de lumière, elle était couverte de l'herbe épaisse locale, et de fleurs leur arrivant à la taille. Eileen Byrnes, biologiste et responsable de l'équipée, s'arrêta pour admirer l'un des spécimens. Ces deux coéquipiers, plus terre-à-terre, s'arrêtèrent sans broncher, habitués à ces arrêts réguliers. Mais Kaito se raidit brusquement, ses yeux perçants scannant les arbres les entourant.
« Ils sont là. »
Les Omaticaya les avaient encerclés. Perchés sur leurs montures, les Pa'lis, ou sur les branches, ils les tenaient en joue de leurs arcs, lances et flèches pointées sur eux. Leur chef, distingué par ses ornements, s'avança vers eux, menaçant.
« Les Tripani nous ont averti que les humains viendraient jusqu'ici, mais pas qu'ils avaient ces apparences trompeuses. » siffla-t-il avec mépris. « Pensiez-vous nous berner ? Vous mourrez simplement dans un corps qui n'est pas le votre ! »
« Je suis le seul à avoir l'impression d'avoir raté quelque chose ? » murmura rapidement Hakim, les yeux écarquillés. Kaito les tira dans une position accroupie respectueuse, un genou à terre. Le japonais avait la tête baissée, incitant silencieusement ses coéquipiers à faire de même.
« Nous n'avons pas d'intentions hostiles, eyktan, nous souhaitions simplement vous parler » expliqua-t-il dans la langue Na'vi.
« Vous, humains, utilisez les mots pour enrober vos actions d'un miel empoisonné ! Vous avez parlé il y a des années, et vous avez tué. Vous êtes revenus et vous avez tué sans parler. Parler maintenant est inutile. » répliqua l'olo'eyktan.
Pour Eileen, Hakim et Kaito, cela ne faisait plus aucun doute : quelque chose leur échappait, quelque chose qui rendait les Omaticayas profondément hostiles et non disposés à converser. Voyant les arcs se tendre encore un peu plus, ils crurent leur dernière heure arrivée. Mais une voix résonna dans leur oreillette, une voix qu'Eileen s'empressa de relayer aux Na'vis.
« Notre eyktan souhaite vous parler. Il propose de venir seul, non armé, et sous sa forme propre, humaine. Il... est prêt à mourir si vous le jugez nécessaire après l'avoir entendu, mais vous demande... de nous épargner. »
La peur, l'espoir et l'incertitude coulaient dans leurs veines, tandis que le leader Na'vi semblait hésiter, tirant sur les rênes de sa monture. Il jeta un coup d'œil par dessus son épaule, à une femelle (sa compagne ? la Tsahìk ?). Quoi qu'il se soit passé entre eux, le mâle se retourna et hocha la tête. « Qu'il soit non armé, non accompagné. »

Ils durent attendre de longues minutes, dans une atmosphère extrêmement tendue, avant d'entendre le bruit des hélicoptères terriens. Les Na'vis s'agitèrent, mais le son ne se rapprocha pas, il s'éloigna même rapidement. Quelques minutes plus tard, le responsable de l'expédition, Raven Galloway apparut. Les humains arrivaient à peine à la poitrine des Na'vis, et Raven devait se frayer un chemin dans une végétation qui le submergeait presque. Son avancée était laborieuse, mais les Avatars n'osèrent pas s'approcher pour l'aider. Les Omaticayas le suivaient des yeux, impassibles. Raven se plaça finalement devant ses subordonnés et inclina le buste.
« Je suis Raven Galloway, je dirige l'expédition dont font partie ces trois personnes, et vous remercie de m'écouter. » Devant le silence de ses interlocuteurs, il continua. « Nous venons d'atterrir, il y a cinq jours, sur Pandora, dans l'espoir de vous rencontrer, et de réparer les erreurs de nos ancêtres en installant une relation amicale entre nos deux peuples. Nos intentions étaient pacifiques. Malheureusement, nous venons de découvrir que d'autres humains avant nous sont revenus sur Pandora, malgré l'interdiction posée par nos lois. J'imagine combien cela peut être difficile pour vous, mais je vous prie de croire que nous ignorions leur présence ici et leurs intentions hostiles. Nous sommes dévastés à cette nouvelle. » Et dévastés, les trois Avatars qui venaient de recevoir eux-mêmes l'information l'étaient très clairement. « Si vous acceptez notre présence sur vos terres, nous serions prêts à vous aider contre vos ennemis. Ils ont transgressé nos lois, ils sont nos ennemis également... Nous souhaitons vous aider. »

Resté silencieux, l'eyktan des Omaticaya se retourna sans un mot, rejoignant sa compagne et les membres les plus éminents de son clan. Ils discutèrent à voix basse, longuement. Lorsqu'il revint finalement leur faire face, le chef parla en ces mots :
« Je suis Alak'tul, arrière petit fils de JakeSully et leader des Omaticayas. » se présenta-t-il finalement. « Je vous respecte RavenGalloway, leader des Humains, et honore votre courage et votre sagesse. Vous et vos hommes pouvez repartir en paix. Nous vous ferons part de notre décision lors de votre prochaine visite. »
C'était peu, mais c'était déjà bien plus qu'ils n'auraient pu le prédire au début de cette rencontre. S'inclinant une dernière fois, ils s'en retournèrent, Hakim hissant Raven sur ses épaules pour lui permettre de se déplacer plus facilement.

Deux jours plus tard, un Na'vi vint à la rencontre des Avatars arpentant la jungle. Leur aide était acceptée. Mais il était évident que les Omaticayas ne leur faisaient pas confiance : l'accès à leur camp leur était pour le moment interdit. Le contact avec les Na'vis n'était possible qu'à leur initiative.