Court bel ange, saute et tombe sur les dalles brulantes. Arrache la peau fragile de ton visage, brise tes os en milliers d’éclats lumineux. Le soleil haut perché lorgne de son regard infâme les enfants dégénérés. Il rit de leur folie, et se ravie de les voir crever dans les bas fonds de l’enfer. Béton terrestre, immonde spectacle, fourmilière puante et bancale. C’est l’existence qui le veut, elle pousse dans le songe imbécile, les emporte amoureusement dans l’irréel de cervelles périclitantes. Pantins somptueusement brisés, la tête peut être à moitié détachée. Inspirant, reprenant un souffle perdu. Il étouffe, valse enivrante et effrayante. Tout lâcher, ne plus rien maîtriser. Se perdre et disparaître. Il en est pratiquement sûre, le jeune et lymphatique gamin des rues s’est envolé. Quelques secondes, une éternité. Ses semelles agressent le sol, le font frémir de plaisir. Le vent tiède s’engouffre dans les tissus salis. Il ferme les yeux, retient sa respiration, sent ses muscles se contracter, son pou s’accélérer. Lyov danse, tourne et balaye le tangible infecte. Souriant à pleine dents. Mâchoire semblable à celle d’un requin prêt à s’attaquer au faible poisson. Déchiqueter la gazelle, la poursuivre et l’anéantir. Loin de la distraction d'une chasse, juste un immense besoin de voir l’autre souffrir autant qu’il gémit. Car son cœur palpitant est douloureux, il crame sa poitrine, infecte la moindre pensée d’une conscience indécemment troublée.

Les passants traversent les rues, s’attardent devant les boutiques et lèchent avidement les vitrines. Lui, il n’en voit nullement l’intérêt, ce spectacle sans violence et sans animosité, l’ennuie. Le désarçonne, et l’exaspère. Brutalisant les corps, ignorant les inepties susurrées aux coins des bouches. Il éclate d’un rire sardonique, s’engage dans un large et trop calme entrepôt aux étagères incertaines. Le caddie en mains, ses neurones s’entrechoquent. Crépitements et feu d’artifice. Naïf bipède nageant contre courant, la gueule grande ouverte et les iris grelottantes. Ses bras le démangent, des fléchettes brillantes sont venues s’incruster dans la chair larmoyante. Hématomes bleutés, peut être plaies sévèrement infectées. Chantant ou hurlant, épouvantable gringalet sans le moindre savoir vivre. Agaçante bestiole, qui ne vit pas dans le même univers que les autres. Délirant et mignon ogre, grognant et sifflant. Au volant de son bolide de fer, dont les roulettes tressautent à chaque différence de niveau. Rêve psychédélique, fantasme extraordinaire d’un môme abandonné à sa doucette aliénation. Dépendance cosmique, les drogues affluent dans ses veines, goudron baveux, coagulant dans son crâne.

Stop. Un empilage fait vriller l’engin, l’accident est inévitable. Delta Charlie Delta. Dernière terreur dans l’air, l’ensemble s’éparpille. Il glisse, méchant petit tas de cendre. Un claquement sinistre dans un noir absolu. L’horizon disparaît, la sombre maîtresse l’envoute et le sert fébrilement. La mort ne serait tarder, il a mal. Le flanc, les côtes, les tympans et les doigts. Alors, rampant asticot. Il crapahute et tente vainement de s’enfuir. Il espère et se persuade que ce n’est pas de sa faute. Qu’il est intact et que la sortie l’appelle. Il valse avec les poutres, et caresse les murs. Seul ? Non, c’est impossible. Le temps a vomis ses minutes et ses heures. Il les voit, en dessous de ses guiboles tremblantes. Hallucinations, détresse d’un gosse sans repères ni dieu. Oisillon pas bien chanceux. La main fouineuse cherche l'arme de précaution. Il a perdu en route la plus précieuse, demeure rouillé par le sang et les tripes passées, un cutter qu'il sort de la poche de son jean aux stigmates de clopes malignes, qui sont venues le percer avant de s'éteindre d'une fumée vacillante. Silencieux freluquet, tapis dans un coin, attentif aux moindres mouvements suspect dans un bocal d'encre de chine.

Laide vulgarité, le prédateur attaque sa victime dans le dos. Purée profonde qui aveugle le bonhomme. Lyov, grillon ou luciole, les mandibules filandreuses choppant à la moindre tentative fort peu aimable, le tortionnaire invisible. Le transcender ou l’enjamber, quelle importance. Il préfère que l’enjeu soit léger, qu’il le piétine et ne lui hôte pas la vie. Lyov veut mordre et griffer, blesser l’assaillant afin de pouvoir gouter à son sang. Vin bouchonné, c'est évident.